LES AILES DE LA BLANCHE

La blessure du bagne s'estompe mais la Guyane reste jungle humide et grouillante, immense moisissure jetée sur l'Amérique du Sud. Implacable et mystérieuse, elle sait encore modeler le cœur des hommes. Dans ce vacarme moite, hommes et félins chassent en silence. L'Amazonie reste une terre d'aventure où des desperados au regard vide rêvent encore d'un inaccessible Eldorado.

L'INTRIGUE :

Breiner et Matera s'offrent une balade en jungle. Ils pensaient être tranquilles. C'est raté ! Un avion bourré de drogue s'écrase près d'eux. Face à une situation qu'ils n'ont en rien sollicitée, nos deux héros se déchainent. Rapt, violence, sexe, humour et chlorophylle sont encore au rendez-vous ! La jungle mettra ses ressources à disposition de la bonne cause...

EXTRAIT :

Sa mission accomplie, le pilote remit les gaz et négocia un demi-tour. Après quoi, il ramena le manche vers lui et replaça l’appareil à deux mille pieds. Helmut était soulagé. Au sol, tout était prêt pour la réception. Rapidement chargée dans un camion militaire, la coca roulerait quelques minutes plus tard vers le laboratoire.

Son laboratoire.

Stieger regarda la porte de soute encore ouverte. Il n'avait pas encore terminé son travail. La jupe orange fluo froissée et remontée très haut sur les cuisses, le corps de l’amérindienne était traversé par de longs frissonnements. Les effets de la drogue s’atténuaient peu à peu. La fille connaissait de brefs moments de semi-lucidité entre deux sauts vertigineux dans son paradis artificiel et imposé. Helmut la saisit fermement par les épaules. Les bras ballants, presque inerte, elle poussa un petit cri que personne n’entendit.

De toute façon…

Les jambes de la pute ne la portaient plus. Helmut la halait vers la queue de l’avion. Arrivé prés de la porte, il la lâcha puis la regarda un instant. Elle se tenait là, au bord du vide. Ses grands yeux noirs inexpressifs ne voyaient rien, ne cherchaient rien.

Insupportable passivité, proche du consentement.

Se tenant derrière elle, Stieger posa ses deux mains sur les épaules en sueur de la fille. Ses doigts se crispèrent sur le haut de la jupe. Il accentua sa pression. La chair ne répondait pas. La moiteur du corps était palpable à travers le tissu.

Maintenant! Un méchant rictus aux lèvres, Helmut grinça :

- Adios, querida…

Il ricanait franchement désormais. Une légère poussée et la pute bascula dans le vide. Elle ne put entendre Stieger :

- Du hast noch zehn sekunden um stehlen lernen… (Tu as moins de dix secondes pour apprendre à voler.)

Quelques centaines de mètres plus bas, la jungle ingéra son corps disloqué. La misérable femme de somme à la dignité bafouée, n’ayant jamais eu accès à la notion même de bonheur, resta anonyme jusque dans la mort. Dans cette immensité hostile, qui en retrouverait n’en serait-ce qu’une trace ? D’ailleurs, qui se souviendrait d’elle ? Là-bas, en Colombie, elle était déjà oubliée. Juta avait serré les dents et détourné la tête. Elle n’aimait pas assister à ces meurtres de pauvres filles. Par contre, Helmut y prenait un plaisir certain.

C’était ainsi. Dans les camps colombiens voués à la culture et à la transformation de la coca, lorsqu’on est une pute, il valait mieux ne pas tomber enceinte.

Se faire baiser.

Subir en silence le répugnant contact des brutes.

Prendre de l’argent si possible.

Tenter de survivre dans un cocktail glauque de drogue, d'alcool et de sexe..

Mais surtout, s’écraser mollement et éviter une anonyme et mortelle fécondation.